Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La grande bouffe d'un Cinéphage Obsessionnel et Noctambule
La grande bouffe d'un Cinéphage Obsessionnel et Noctambule
  • La nuit, lorsque vous dormez tranquillement, je me transforme en cinéphage... Et je bouffe du film pendant des heures, parfois en fin gastronome, d'autres fois en me gavant jusqu'à l'écœurement de films surgelés ou réchauffés.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
La grande bouffe d'un Cinéphage Obsessionnel et Noctambule
Newsletter
20 juin 2009

LA HUITIEME FEMME DE BARBE-BLEUE un film de Ernst Lubitsch

Huitieme00LA HUITIEME FEMME DE BARBE-BLEUE (Blubeard’s Eighth Wife)

Recette de Ernst Lubitsch.
Préparée par Claudette Colbert, Gary Cooper…

Mis en boîte aux Etats-Unis, courant 1938.
Bouffé dans la nuit du 01er au 02 Juin 2009.

Larecette

A Nice, Michael Brandon (Gary Cooper), millionnaire américain en vacances, tombe sous le charme de Nicole (Claudette Colbert), une aristocrate française ruinée.
Folle amoureuse, elle accepte lorsqu’il lui demande sa main.
Mais, apprenant le jour de son mariage que Michael a déjà divorcé sept fois et qu’elle devient sa huitième femme, Nicole met au point un plan diabolique pour assurer ses arrières…

Fraicheur

Que dire de ce film? Pour être honnête, pas grand-chose… « La huitième Huitieme01femme de Barbe-bleue » est d’une fadeur sans nom. Comprenez qu’on s’y ennuie ferme…
Lubitsch avait pour sale manie de développer ses films à partir d’œuvres littéraires mineures: ici, un sombre vaudeville français que la postérité a oublié il y a bien longtemps.
Et même si Billy Wilder, co-scénariste du film, s’est évertué à passer ce texte à la moulinette, le résultat n’est pas des plus glorieux. Il n’est finalement qu’un catalogue caricatural des boires et déboires amoureux d’un couple bourgeois.
Les deux personnages principaux y sont complètement instables, et font basculer toutes les cinq minutes leur relation de l’amour à la haine ou de la haine à l’amour… Ce qui a le don d’agacer surtout lorsque chaque retournement de situation semble à ce point catapulté.

Huiti_me02

Ne parlons même pas de la réalisation. Impossible de faire plus académique: plan large d’introduction, champs, contre-champs, rares inserts (seulement s‘ils servent la narration). Le tout monté sans réelle préoccupation rythmique.
Cette réalisation frôle les bas-fonds du ridicule lors des scènes de bord de mer. Tout le film ayant été tourné en studio, les personnages font semblant de marcher alors que derrière eux, un écran diffuse un travelling tremblotant de plages surpeuplées, dont la vitesse n’est pas synchrone avec la vitesse de marche des personnages.
Et qu’on ne me parle pas de charme suranné ou du fait que la technique n’en n’était encore qu’à ses balbutiements. Un film s’étudie pour ce qu’il a été, mais il s’apprécie et se respecte pour ce qu’il est au moment du visionnage. Or, ces séquences sont d’une laideur improbable et deviennent à leur insu l’un des éléments les plus comiques du film.

Et Billy Wilder dans tout ça ? Il était encore un inconnu à l’époque. On sent qu’il se démène comme il peut pour écrire des répliques qui font mouche mais, embourbé dans la lourdeur de l’intrigue, n’arrive pas à déployer tout son talent.
Il dira d’ailleurs bien plus tard de ce film qu’il « n’était pas un très bon film, juste un film correct ».
Impression partagée lorsque mot « The End » apparaît et qu’on se rend compte qu’on a déjà oublié la moitié de ce que l’on vient de voir…

Huitieme05

L’énigme de la « Lubitsch Touch » (Episode 01):

C’est le cinquième film de Lubitsch qu’il m’est donné de voir, et impossible de comprendre en quoi cet homme est considéré comme un grand réalisateur, et surtout pourquoi son œuvre bénéficie encore aujourd’hui de tant de sympathie.
Tant et si bien que la fameuse « Lubitsch Touch » tient pour moi de l’énigme.

Pour ne pas mourir idiot et pour pouvoir continuer à cracher intelligemment sur l’œuvre de Lubitsch, je me suis amusé à potasser et à compiler quelques documents sur le sujet.
Et il m’a fallut me rendre à l’évidence: personne ne sait ce qu’est la « Lubitsch Touch » mais chacun essaie d’en donner sa vision.
On peut toutefois, dans ce bouillonnement de théories, dégager deux grands courants de pensée:

Huitieme061. La « Lubitsch Touch », c’est un sens inné du ridicule:
Lubitsch lui-même disait que « tout se fonde sur la théorie qu’au moins deux fois par jours, le plus digne des êtres humains se rend ridicule… »
Cela n’a pourtant rien de très original puisqu'il s’inscrit dans la mouvance des « Screwball Comédies, aux côtés de nombreux réalisateurs tels Franck Capra, Howard Hawks, Léo McCarey ou encore Mitchell Leisen.
La « Screwball Comedy »: un sous-genre hollywoodien propre aux années 30-40, que l’on pourrait traduire par « comédie loufoque ».
Les thématiques traitées y sont toujours les mêmes: l’antagonisme sexuel (bataille des sexes, homme infantilisé vs femme dominante, divorce et remariage…), le conflit des classes et un travail sur la folie, le ridicule et l’excentrisme…
L’humour y est primordial, aussi bien par l’intermédiaire de joutes verbales que par des gags corporels.
Dans « La huitième femme de Barbe-Bleue », Lubitsch ne fait qu’appliquer ces recettes à la lettre; on ne peut donc parler ici de « Lubitsch Touch ».

Huitieme072. La « Lubitsch Touch », c’est un travail subtil sur les sous-entendus:
Nous sommes en 1938 et voilà près de 20 ans qu’a été mis en place le code Hays. Par l’intermédiaire du « Production Code Administration », un organe de censure, il interdit dans les films toute allusion aux crimes contre la loi et à la sexualité.
Certains cinéastes et parmi eux, Lubitsch, sont passé maître dans l’art de contourner cette censure. Ils redoublent d’inventivité pour catalyser les fantasmes sexuels du public dans des scènes en apparence anodines.
Il est amusant d’essayer de les déceler dans « La huitième femme de Barbe-Bleue ». Quand Nicole, par exemple, explique à Michael la méthode du Professeur Urganzeff et qu’elle lui montre comment se forcer à bâiller, on se croirait dans la scène culte de « Quand Harry rencontre Sally », lorsque Sally simule l’orgasme en plein restaurant.
Autre sous-entendu sexuel amusant, en toute fin de film: lorsque Nicole embrasse enfin Michael qui se trouve couché au sol. Un plan d’insert montre les jambes rabattues de celui-ci, se déplier lentement telle une érection géante.

Huitieme03

Mais dans ce film, Lubitsch va encore plus loin et réussit l'exploit de développer la thématique du sado-masochisme.
Les deux personnages passent leur temps à s’entredéchirer et ils aiment ça. Nicole semble prendre du plaisir à rabaisser moralement son mari, celui-ci lui rendant la pareille à coups de fessées.
Lorsqu’elle l’embrasse enfin pour la première fois, elle a pris soin de manger de l’oignon pour le dégoûter et accentuer un peu plus sa frustration.
Mais le meilleur exemple se trouve dans un court dialogue lorsque Nicole qui a violemment mordu Michael soigne la blessure à la teinture d’iode. Elle lui demande: « Ca fait mal ? ». Et lui de répondre en souriant: « Tu es gentille… »

Prétendre que Lubitsch joue sur la subtilité de ses sous entendus serait mentir, tant soixante-dix ans plus tard, certains frôlent le grotesque.
Pourtant cette « Lubitsch Touch » aura permis de représenter sur grand écran les fantasmes sexuels d’une société bâillonnée par les ligues de vertu.

Huitieme02

Après avoir visionné une deuxième fois ce film, en ayant pris soin de le replacer dans son contexte, en m’amusant à y repérer les sous-entendus sexuels, en décortiquant le calibrage de « Screwball Comedy », je dois avouer l’avoir trouvé beaucoup plus intéressant…
Et une question finit par pointer le nez, à l’écriture de cette critique. Doit-on juger un film pour ce qu’il est au moment où on le visionne, ou doit-on préalablement le remettre dans son contexte et tenir compte de ce qu’il a été ?
Chacun aura sa réponse et ses arguments.
Partant du principe qu’un « vrai » grand réalisateur sait jouer sur les deux niveaux (l’ancrage dans une époque/l ‘intemporalité de la réalisation et de la narration), et prétendant que, replacé dans son contexte, on pardonne beaucoup de choses à un film, j’opte pour la première solution.
Je persiste donc à dire que ce film n’a rien d’un grand film et que Lubitsch est loin d’être ici le grand réalisateur dont beaucoup vantent le génie…

 Aigreursdestomac


Quelquesmiettes

Le jour de leur mariage, Michael et Nicole sont assis côte à côte au milieu des convives alors que le photographe prépare la photo de groupe. Cherchant quelque chose dans les poches de son costume, Michael fait tomber des grains de riz…

MICHAEL (amusé)
Je n’ai pas porté ce costume depuis bien longtemps.

NICOLE
Qu’est-ce que c’est?

MICHAEL
Du riz.

NICOLE
Du riz ?

MICHAEL
Vous en vous en servez pas ici ? Chez nous, on en jette sur les mariés.

NICOLE (intriguée)
Et ça leur a porté chance?

MICHAEL
Nous avons passé six mois agréables…

Nicole semble interloquée.
Avant qu’elle n’ait le temps de dire quoi que ce soit, le photographe leur demande de prendre la pose et de sourire.

LE PHOTOGRAPHE
Attention… Souriez ! Un… Deux…

NICOLE (interrompant la photo)
Un instant! Nous revenons.

Elle emmène Michael avec elle dans la salle d’à côté, éveillant l’incompréhension des convives.

NICOLE
Vous avez été marié?

MICHAEL
Tout est en ordre, je suis divorcé. Pourquoi? Ça vous ennuie?

Après une longue discussion, Nicole va de désillusion en désillusion  et finit par comprendre que Michael a été marié sept fois…

NICOLE (outrée)
Sept mariages, sept divorces…

MICHAEL (impassible)
Six. Une est morte.

NICOLE (soudain inquiète)
Pardon?

MICHAEL
De mort naturelle.

Nicole semble soulagée.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité